SommaireLes pionniers (1947 - 1953) l'Année polaire 2007-2008
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1947 - 1953
Sources : "Ceux de Port-Martin"
par Y. Valette
La genèse du projet C'est par une nuit sombre et pluvieuse, à Oslo en 1946, qu'est née l'idée qui va aboutir à une des plus formidables aventures humaines de l'après-guerre, qui se poursuit encore aujourd'hui. Sitôt la guerre terminée, trois jeunes gens ont entrepris l'exploration du Spitzberg. Il s'agit de Robert Pommier, Yves Valette et J.A. Martin. Or, ce soir-là, ils tombent sur un article de journal où il est fait mention du désintérêt de la France pour le territoire qui lui a été attribué en Antarctique, et que le découvreur, Dumont d'Urville, avait baptisé Terre Adélie. Bien entendu, cette information a attisé le patriotisme des trois jeunes gens (rappelons que nous sommes à la sortie de la guerre), et ils décident d'aller voir Paul-Émile Victor, le héros du Groenland d'avant-guerre.
L'idée a rapidement séduit "PEV" et il se met en quête de soutien auprès des instances ministérielles. Sa réputation et son acharnement, ainsi que ses talents de négociateur font qu'il obtient le soutien voulu. Il crée alors ce qui sera l'uvre de sa vie : les Expéditions Polaires Françaises (E.P.F.). Cet épisode de l'histoire des Expéditions Polaires Françaises est décrit très précisément, avec toutes les "petites histoires", dans le livre d'Yves Valette "Ceux de Poirt-Martin".
Vient alors le travail de titan qui consiste à préparer une expédition de "réappropriation" de la Terre Adélie. Il faut tout d'abord trouver un bateau. C'est aux États-Unis, dans un stock de matériel réformé de l'armée, que PEV va trouver le bateau qui deviendra le "Commandant Charcot". Il s'agit d'un mouilleur de filets anti-mines, à coque en bois, construit en 1943 et nommé "Lancewood". Il est nommé provisoirement "Atiette", et qui est rapatrié sur Le Havre pour être adapté à la navigation polaire. Pendant ce temps, à Paris, au siège des E.P.F., 22, avenue de la Grande Armée, les préparatifs vont bon train : recherche de sponsors, préparation de l'itinéraire, achat du matériel pour la base qui doit être construite, recrutement des participants, achat des chiens de traîneaux, etc. Des scènes totalement décalées se passent, avec du matériel polaire et des véhicules destiné à évoluer sur la neige et la glace stockés en plein Paris...
Faux départ Finalement, après bien des problèmes pour caser tout le matériel à bord du "Commandant Charcot", c'est le 26 novembre 1948 que l'expédition lève l'ancre de Brest, à destination de l'Antarctique. La grande aventure commence. Le bateau est commandé par le capitaine de frégate Max Douguet. Le second est le capitaine de corvette Guillon. L'équipe est dirigée par André-Franck Liotard et comprend les trois initiateurs du projet, J.A. Martin, Yves Valette et Robert Pommier, ainsi que Maurice Harders, opérateur radio, Bertrand Imbert, enseigne de vaisseau et hydrographe, Raymond Jallu, météorologue, Mario Marret, radio, André Paget, chargé des constructions, Jean Sapin-Jaloustre, chirurgien, Pierre Vincent, géologue, M. Dequecker, administrateur des Colonies, et Pierre Dubart, journaliste. Après des escales à Casablanca (1er au 3 décembre 1948), Durban (28 au 31 décembre) et Hobart (25 janvier au 5 février 1949), le bateau arrive à la limite du pack le 12 février 1949. Malheureusement, l'époque tardive et un pack particulièrement dense cette année-là vont empêcher le "Commandant Charcot" d'atteindre la Terre Adélie, malgré tous les efforts du Commandant Douguet. Le point le plus au sud qu'a atteint le bateau est 66°10'S, à seulement 35 milles de la côte, que l'on pouvait alors apercevoir. Les prémices de l'hiver arrivant, le Commandant Douguet a alors décidé d'abandonner la tentative et de rebrousser chemin. Le retour se fait par le "chemin des écoliers". Après une escale à l'île Macquarie le 12 mars et à Hobart le 20 mars, le "Commandant Charcot" passe à Melbourne le 7 avril pour y laisser les chiens de traîneau, à Fremantle (18 au 22 avril), Aden, Djibouti (16 mai), Suez, Port Saïd, Bizerte, et arrive enfin à Brest le 11 juin 1949, après un voyage de 6 mois et 30.000 miles.
La "première" Ayant tiré profit de l'échec de la première mission, c'est cette fois-ci deux mois plus tôt que la nouvelle expédition quitte la France. Le départ a lieu le 20 septembre 1949, toujours de Brest. Les membres d'équipage et de l'expédition sont à peu près les mêmes, on note quand même le remplacement de Imbert par Tabuteau, de Jalu par Boujon et de Vincent, le géologue, par Gros, second radio. A la cargaison originale s'est aussi ajoutée cette fois-ci un hydravion, afin d'aider à la navigation dans le pack. Après un passage à Madère et Ténériffe, les escales sont Dakar, du 30 septembre au 6 octobre, Le Cap le 22 octobre, pour une triste besogne. En effet, pendant le voyage, J.A. Martin, un des "trois du Spitzberg", est décédé d'une crise cardiaque, et il est enterré au cimetière du Cap.
L'escale suivante est Durban, atteint péniblement, en remorque, les deux moteurs en panne. Le 17 novembre, le "Commandant Charcot" passe à l'île Saint Paul, et il arrive enfin à Melbourne le 1er décembre, où, outre des réparations qui sont effectuées, les chiens laissés lors du dernier passage sont récupérés. Le 8 décembre, arrivée à Hobart, où la partie de cargaison laissée en dépôt 9 mois plus tôt est rembarquée. Le bateau quitte Hobart le 21 décembre et rencontre le pack le 28. Après 13 jours de tentatives de passage, avec l'aide de l'hydravion, le bateau trouve enfin un passage dans le pack le 17 janvier 1950, et peut atteindre la cote. Le 20 janvier, l'emplacement de la base est choisi, et cette date est retenue pour être la date officielle du débarquement en Terre Adélie, en référence à la découvert de cette terre par Dumont d'Urville, le 20 janvier 1840, 110 ans jour pour jour plus tôt ! La base sera baptisée PORT-MARTIN, en hommage à J.A. Martin, qui est décédé pendant le voyage. La construction de la base débute aussitôt, et le 8 février, le "Commandant Charcot" quitte Port Martin, en y laissant une équipe d'hivernage composée de : André-Franck Liotard, chef d'expédition, Henri Boujon, Maurice Harders, René Gros, Mario Marret, André Paget, Robert Pommier, Jean Sapin-Jaloustre, Georges Schwartz, François Tabuteau et Yves Valette. Dans son périple de retour, après la première escale traditionnelle à Hobart, le bateau passe par des îles bien connues de ceux qui s'intéressent à l'aventure polaire : Heard (3 avril 1950), Kerguelen (5 avril), Saint-Paul (12 avril), Amsterdam (13 avril), puis, dans des eaux plus clémentes, La Réunion (21 avril), Tamatave (24 avril), Sainte-Marie (29 avril), Diego Suarez (1er mai), Djibouti (18 mai), passage à Suez et Port Saïd le 26 mai, puis Bizerte (31 mai, Alger (1er juin) et enfin, retour à Brest le 10 juin 1950.
La deuxième expédition : Les E.P.F. ayant décidé de maintenir une présence permanente en Terre Adélie, une nouvelle expédition a été montée afin d'y retourner dès l'automne 1950, afin de faire une campagne scientifique d'été, puis un nouvel hivernage. C'est toujours le "Commandant Charcot" qui assure cette rotation, et toujours sous le commandement du Commandant Douguet. L'itinéraire aller a été le suivant : Brest (départ le 3 octobre), Alger (du 9 au 13 octobre), Port Saïd (19 octobre), Djibouti (25 au 27 octobre), Diego Suarez (4 au 13 novembre), Fremantle (29 novembre au 3 décembre) et Hobart (12 au 28 décembre). La mission arrive à la base Port-Martin le 9 janvier 1951. Elle est dirigée par Michel Barré, qui sera le chef d'hivernage et prendra la relève de André-Franck Liotard. Après avoir profité de la période estivale relativement clémente pour réaliser un grand nombre de travaux et d'expériences scientifiques, les deux équipes se séparent le 5 février, et le "Commandant Charcot" quitte à nouveau la Terre Adélie, pour la dernière fois, en laissant sur place la nouvelle équipe d'hivernage composée, outre Michel Barré, de Bertrand Imbert, Jean Bouquin, Jean Cendron, Raoul Desprez, René Dova, Jacques Dubois, Roger Kirchner, Robert Le Quinio, Fritz Loewe, Pierre-Noël Mayaud, Paul Perroud, André Prudhomme, Paul Rateau, Claude Tisserand, et les "redoublants" François Tabuteau et Georges Schwartz. L'itinéraire de retour du "Commandant Charcot" est encore différent des autres années : Hobart le 20 février, toujours, puis Melbourne (3 au 10 mars), Nouméa (18 au 24 mars), Aitutaki ( 31 mars), Bora Bora (2 avril), Papeete (3 au 10 avril), Clipperton (22 au 23 avril), Panama (2 au 4 mai), Fort de France (11 au 17 mai), et retour à Brest le 1er juin 1951.
Dans la continuité des missions en Terre Adélie, une troisième mission a été montée afin de prendre la relève de l'équipe de Michel Barré, et de continuer la présence permanente. Cette fois-ci, c'est un bateau norvégien, le "Tottan" qui a été affrété pour faire l'aller et retour entre la France et la Terre Adélie, en remplacement du "Commandant Charcot", trop vieux et désarmé par la Marine au retour du dernier périple en Antarctique. Il quitte la métropole le 10 octobre 1951 pour l'Australie. Il quitte le port de Hobart le 17 décembre, à destination de Port-Martin. Il arrive en vue de la base le 23 décembre, mais est bloqué par une bande de glace côtière qui l'empêche d'accoster. C'est finalement après une semaine de blocage et de dérive dans le pack que la jonction se fera, mais pas comme c'était prévu. Ce sont Barré et Schwartz, en traîneau, qui vont rejoindre le bateau, le 1er janvier 1952 ! Finalement, ce n'est que le 14 janvier, après la débâcle, que le "Tottan " pourra enfin accoster à proximité de Port-Martin. Viennent alors les opérations qui deviennent de routine, effusions des retrouvailles, débarquement du matériel, repas communs, courrier. Le bateau a ensuite quitté la base pour se rendre plus au sud, à proximité du glacier de l'Astrolabe, sur l'archipel de Pointe Géologie, où doit être construite une base annexe, en vue d'héberger une petite équipe, conduite par Mario Marret, qui sera chargée d'étudier l'importante rookerie (colonie) de manchots empereurs qui s'y trouve. Le commandement de la base de Port-Martin est transféré de Michel Barré à René Garcia, et l'équipe de l'hivernage 1951-52 se prépare à quitter la Terre Adélie, et à laisser la nouvelle équipe pour une année.
L'incendie : Alors que le départ est proche, soudain, c'est le drame. Dans la nuit du 22 au 23 janvier, un incendie éclate dans l'atelier de la base, et gagne rapidement l'ensemble du bâtiment, attisé par le blizzard violent qui souffle en quasi-permanence en terre Adélie. Au petit matin, il ne reste rien de la base de Port-Martin. Heureusement, les habitants ont été prévenus à temps et ont pu évacuer les lieux, et il n'y a donc pas de victime. L'hivernage n'est donc plus possible à Port-Martin. Tout le monde embarque à bord du "Tottan", avec ce qui reste de matériel, et le bateau se rend à Pointe Géologie afin de chercher les hommes de la base "Marret". Après discussion entre les responsables (Marret et Garcia), il est décidé de laisser malgré tout une petite équipe d'hivernage à la base annexe de Pointe Géologie, malgré l'inconfort de la situation et les risques. Tout le matériel qui pourra être utile à cette petite équipe est débarqué du bateau, et, le 24 janvier, le "Tottan" quitte la Terre Adélie, en laissant derrière lui les 7 hommes qui vont hiverner là : Marret, Rivolier, Prévost, Vincent, Duhamel, Lépineux et Dovers. Le "Tottan" arrive à Hobart le 31 janvier, et à Melbourne le 3 février.
Fin de la première époque : A la suite de l'incendie qui a détruit la base de Port-Martin, les E.P.F. décident de mettre en sommeil le programme de présence permanente en Terre Adélie. C'est donc un "Tottan" sans équipe de relève qui arrive le 2 janvier 1953 à la base de Pointe Géologie pour chercher les 7 hivernants de l'équipe Marret. Le bateau quitte la base, laissée inoccupée, le 14 janvier 1953. Il fait escale à l'île Macquarie le 19, à l'île Auckland le 22, et arrive à Hobart le 25 janvier.
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