Sommairel'Année polaire 2007-2008 La piste (1990 - ...)
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1990 - ....
Il n'y a pas besoin de beaucoup d'explications pour justifier l'utilité d'une piste aérienne dans les bases de l'Antarctique. Il suffit de comparer le temps mis par un bateau de liaison (6 à 7 jours pour rallier Hobart à Dumont d'Urville) à celui mis par un avion (quelques heures), ou les difficultés (un avion n'a pas de contrainte de mer ou de banquise qui tarde à se fractionner...). Plusieurs bases ont depuis longtemps leur piste, la plupart du temps construite sur la glace. Le fait de pouvoir amener à pied d'œuvre les équipes par avion permettrait de rallonger considérablement la campagne d'été, car la première et la dernière rotation ne dépendrait plus de la débâcle de la banquise ou de sa formation. En outre, un aspect sécurité non négligeable s'y ajoute, car sans possibilité de poser un avion, toute évacuation sanitaire rapide d'un membre de la mission est impossible, et, quelle que soit l'affection rencontrée, elle doit être traitée sur place. En ce début des années 80, il devenait donc urgent d'entreprendre l'étude de faisabilité d'une piste permettant des rotations d'avions à long rayon d'action, du type "Transall" ou C 130 "Hercules". le problème de Dumont d'Urville est sa situation, sur un archipel rocheux, loin de toute zone de glace plane et stable. Cette contrainte imposait donc la construction d'une piste "en dur", c'est à dire sur les rochers. C'est en 1982 que la décision a été prise, et le budget affecté au Ministère de la Recherche. En effet, à cette époque naît l'idée d'une station permanente française située à l'intérieur des terres, au Dôme C, dévolue à la recherche glaciologique et géophysique. Il est donc bien plus aisé de relier cette base à Dumont d'Urville par avion que par des convois de chenillettes, qui mettent longtemps et risquent à tout moment d'être bloqués par le mauvais temps ou les crevasses.
Ce temps de réflexion n'a pas empêché des manifestations, pas toujours sereines, de l'association écologique GREENPEACE, par deux fois, en 1989 et en 1990.
Étant donné le climat rude de la Terre Adélie, et la période réduite pendant laquelle les travaux de génie civil pouvaient être réalisés, ce n'est que pendant la saison d'été 1991/1992 que la piste a été achevée, mais sans revêtement. Un timbre a été émis sans attendre, commémorant la piste, sous le pinceau de Bernard Buffet.
C'est en février 1993 que la première rotation d'avion a été programmées, et donc l'inauguration de la piste. A cet effet ont été émis un timbre montrant l'envol d'un C 130 "Hercules" de la piste, et un aérogramme. C'est alors que les malheurs ont commencé.
Tout d'abord, le premier vol de février 1993 (vol de "calibration" de la piste) a dû être annulé car l'Armée de l'Air n'a pas pu mettre à disposition des T.A.A.F. un avion C130 "Hercules", pour cause de guerre du Golfe. L'inauguration a donc dû être reportée à la saison 1993/1994... Fin 1994, nouveau contretemps ! Après six ans de travail, sept îlots rasés à la dynamite, 900.000 mètres cube de remblai charriés, on apprend que les technicien de l'Aviation Civile ont rendu un rapport défavorable à la mise en service de la piste. Les gravillons sont trop gros pour permettre le passage sans risque d'avions à réaction. La mise en conformité dépassant largement l'enveloppe prévue, qui avait déjà considérablement grossi au fil des années, on décide alors qu'il est urgent d'attendre ! Puis arrive un autre rapport, faisant état de la dégradation de l'enrochement et des structures mêmes de la piste, sous l'effet de la houle et du gel. Les vagues ont même détruit le hangar qui avait été construit, et qui devait abriter les petits avions de liaison avec le continent.
Ces derniers épisodes marquent la fin (peut-être provisoire, qui sait ?) du projet de liaison aérienne en alternative à la liaison par bateau entre Hobart et Dumont d'Urville. Des avions (les fameux bimoteurs "Twin Otter") vont néanmoins sillonner le ciel de Dumont d'Urville pour assurer les rotations entre Dumont d'Urville et le site de la base franco-italienne Concordia, mais en utilisant une piste aménagée sur le continent, aux abords de l'île des Pétrels. ![]()
On ne peut pas s'empêcher de penser que toute cette histoire de piste est un gâchis monumental, alors qu'elle devait être une étape vers l'intensification de la recherche polaire. Elle a finalement coûté la somme de 106 millions de francs de l'époque. De plus, la France a été aux premières loges pour les critiques des écologistes et des pays qui les soutiennent. "Renaissance"... Depuis le milieu des années 2000, des rotations aériennes ont lieu entre l'Australie et la base de Dumont d'Urville. La piste construite entre 1983 et 1993 avec énormément de difficultés, et ensuite déclarée inutilisable, remplit donc finalement sont office. Si elle est toujours inaccessible aux gros porteurs du type Hercules, elles accueille des petits avions bimoteurs effectuant le trajet Hobart-Dumont d'Urville (les appareils bi-moteurs CASA 112) ou les rotations vers la base Concordia et la base italienne Mario Zucchelli (appareils bi-moteurs Twin-Otter). Comme d'habitude, des cachets des rotations ont été apposés sur des plis philatéliques.
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